Temps et contretemps: Barthes, l’Histoire, le Temps

• Published in: MLN 2017-09, Vol.132 (4), p.876-889
• Main Author: Hartog, François
• Format: Article
• Language: fre
• Subjects: Barthes, Roland (1915-1980); Camus, Albert (1913-1960); Fiction; Filosofía y literatura; Foucault, Jean-Bernard-Leon (1819-1868); French literature; Historia; Historiography; History; Illnesses; Intelectuales; Intellectuals; Language; Levi-Strauss, Claude; Literary criticism; Literatura francesa; Narrative techniques; Philosophy and literature; Tiempo; Time
• ISSN: 0026-7910; 1080-6598
• DOI: 10.1353/mln.2017.0071

Distinguer plusieurs « phases » d'un temps, d'une œuvre permet d'entrer dans « le jeu de la communication intellectuelle : on se fait intelligible », écrit Barthes dans « Roland Barthes par Roland Barthes »1. J'userai à mon tour, de cette commodité, non pour découper et figer, mais pour mieux saisir les passages, les inflexions, mais aussi les résurgences ou les permanences, bref, ce mouvement qu'il a lui-même nommé le « contretemps2 ». Mon propos se limitera à interroger ses manières d'envisager l'Histoire et à suivre les modalités de son rapport au temps, en me tenant dans les bornes de ce qu'il a désigné comme étant son « lieu » et son « milieu » : à savoir le langage3. Puisqu'il est « quelqu'un en qui s'est débattue, toute sa vie, pour le meilleur et pour le pire, cette diablerie, le langage4 ».Si nous sommes temps, pour reprendre la formulation d'Augustin, de quels temps (au pluriel) Barthes est-il? Alors même que les « années-Barthes » coïncident avec une forte transformation de nos expériences du temps. Ce phénomène que j'ai proposé d'analyser comme une progressive mise en question du régime moderne d'historicité doublée d'une montée du présentisme, soit la fermeture d'un futur futuriste et l'installation d'un présent omniprésent. Ou le passage d'une croyance forte en l'Histoire au début des années 1950 à une décroyance de plus en plus marquée à la fin des années 19805.