Sécuriser l’avenir pour mieux militariser le présent ?: Le projet de la Red Team du ministère des Armées français

• Published in: Cultures & conflits 2024, Vol.133, p.15-43
• Main Author: Sangar, Éric
• Format: Article
• Language: English
• ISSN: 1157-996X; 1777-5345
• DOI: 10.4000/1335e

Cet article s’intéresse à l’énigme de la Red Team française : projet d’anticipation de menaces lancé en 2019 avec l’intention de contribuer à l’innovation technologique et capacitaire des armées, la Red Team est devenue une vaste opération médiatique dont les contenus des scénarios développés, mais surtout la publicité ciblant le grand public, semblent avoir peu à voir avec les objectifs annoncés. En prenant appui sur l’approche sociologique de la théorie de la sécuritisation, il sera argumenté qu’il s’agit d’un mouvement sécuritisant de l’avenir dont le but est de justifier des compétences politiques élargies des forces armées, ambition qui s’inscrit dans les tendances des relations civilo-militaires en France depuis la fin de la Guerre froide. En effet, l’argument central de ce texte est qu’en mobilisant des savoirs artistiques et scientifiques, l’institution militaire permet de crédibiliser un discours sur l’incapacité des pouvoirs civils à protéger l’autorité étatique, discours selon lequel seul le recours à des pouvoirs exceptionnels des armées permettra de sauver l’avenir. This article focuses on the puzzle of the French Red Team: from a military threat anticipation project launched in 2019 with the intention of contributing to the technological innovation and capability of the armed forces, the French Red Team has become a vast media operation whose scenarios contents and especially the public relations activities targeting the general public seem to have little to do with the original objectives. Using the sociological approach to securitization theory, it will be argued that the project should be understood as a securitizing move with the aim of securitizing the future and thus justifying expanded political prerogatives of the armed forces, in conformity with tendencies in French civil-military relations since the end of the Cold War. Thus, the central argument of this text is that by mobilizing artistic and scientific knowledge, the military institution seeks to make credible a discourse on the inability of civil powers to protect state authority according to which only exceptional military powers can save the future.